La société rixensartoise s’apprête à lancer les essais cliniques d’un vaccin contre la myasthénie grave. « Un traitement pour toujours plutôt qu’un médicament tous les jours ! » Telle est la devise de Stéphane Huberty, fondateur de la société rixensartoise CuraVac.
En 1996, ce docteur en médecine tombe malade. Diagnostic : il est atteint de myasthénie grave, une maladie orpheline qui touche 125.000 personnes en Europe et qui provoque une fatigabilité et une faiblesse qui peuvent devenir extrêmes. Les patients souffrant de myasthénie produisent des anticorps qui bloquent la capacité des muscles à recevoir les signaux nerveux transmis par le cerveau. Tous les muscles volontaires peuvent être atteints : aussi bien ceux de la vision que ceux de la respiration.
Si la maladie peut être maintenue sous contrôle grâce à des médicaments, il n’y a aucun remède éprouvé.
100% de guérison chez le chien
Après plusieurs années d’un traitement qu’il doit parfois prendre toutes les 4 heures, de jour comme de nuit, Stéphane Huberty découvre les travaux de J. Edwin Blalock, Professeur en médecine à l’Université d’Alabama. Il a mis au point un vaccin thérapeutique se basant sur l’utilisation de peptides complémentaires – une technique totalement innovante – et émis la théorie qu’il pourrait guérir les maladies autoimmunes.
Si le vaccin fait ses preuves sur des rats de laboratoires et des chiens domestiques atteints de myasthénie (le taux de guérison chez les chiens vaccinés atteint 100%), aucune société pharmaceutique n’est prête à le tester sur l’homme.
Stéphane Huberty décide alors de rencontrer le Professeur Blalock et crée, en 2002, la société CuraVac dans le but d’introduire un traitement curatif sur le marché. « Nous avons déposé le brevet du vaccin thérapeutique contre la myasthénie grave et levé 2 millions d’euros de fonds qui nous ont permis de fabriquer le vaccin aux normes humaines, de rédiger un protocole d’étude clinique, de faire réaliser une étude indépendante de faisabilité et d’obtenir le statut de médicament orphelin », explique-t-il.
Finalement, fin 2009, le médicament était prêt à être testé sur l’homme mais il fallait encore réunir les fonds pour financer les essais cliniques et… trouver les patients.
Soutien de la Commission européenne
La société rixensartoise n’a donc pas hésité à répondre à la Commission européenne lorsqu’elle a lancé, en 2012, un appel visant à financer des projets de recherche dans ce domaine.
« C’était dans le cadre du 7e Programme-cadre européen de Recherche et Développement, précise Stéphane Huberty. Nous avons déposé un projet et il a été l’un des sept à être retenus !
Le fait d’avoir été sélectionnés nous a donné un sceau de qualité supplémentaire et m’a surtout permis de prendre contact avec une dizaine d’hôpitaux universitaires pour voir s’ils seraient intéressés de conduire les essais cliniques. L’Université de Leyde, qui constitue le centre de référence pour la myasthénie aux Pays-Bas, nous a répondu positivement. Elle fait donc partie du consortium. »
Doté d’un budget de 7,5 millions d’euros, dont 80% seront pris en charge par la Commission européenne, le projet Myasterix a débuté en octobre 2013 et se terminera en 2018. Il permettra de financer les deux premières phases des essais cliniques. Dans un premier temps (mars 2015), 32 patients atteints de myasthénie seront traités. Ils seront 50 en phase 2. Au total, ce sont donc plus de 80 personnes qui seront suivies dans le cadre de cette étude. Elles devraient recevoir 3 injections chacune.
« Tout ceci n’aurait pas été possible sans ce projet européen, précise Stéphane Huberty. Et j’ai été très agréablement surpris de voir que la Commission nous versait les avances pour la première tranche des subsides quelques jours seulement après le démarrage du projet ! »
Grâce au statut de médicament orphelin qui permet d’accélérer les procédures, le vaccin pourrait être sur le marché en 2018 si les résultats s’avèrent concluants. Un marché qui représente 250.000 personnes diagnostiquées en Europe, au Japon et aux Etats-Unis.
Actuellement, les dépenses globales en thérapies conventionnelles de maintenance s’élèvent à 6 milliards d’euros par an. Patients et sécurité sociale seraient donc gagnants si CuraVac vendait son vaccin curatif au prix d’un traitement conventionnel.
Aller plus loin
Mais la société rixensartoise ne compte pas s’arrêter là puisqu’elle souhaite également guérir d’autres maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques, le diabète, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux. « Pour moi, c’est l’approche curative qui reste la plus intéressante en médecine, conclut Stéphane Huberty. Notre approche est centrée sur le patient et la disparition ou l’arrêt de l’évolution de sa maladie. Le vaccin thérapeutique permettra de reprogrammer un système immunitaire qui s’est trompé et guérir une fois pour toutes les maladies auto-immunes. Je suis convaincu que ce rêve est tout à fait à notre portée. »