La société néolouvaniste a développé une solution qui permet de gagner jusqu’à 3 ans dans le diagnostic de certains types d’arthrite.
Grâce à l’analyse de nos gènes et d’autres facteurs (cliniques, biologiques…), la médecine personnalisée permet de distinguer les patients pour qui un traitement sera bénéfique de ceux pour qui il ne le sera pas. C’est dans cette démarche que s’inscrit la société néolouvaniste DNAlytics. Spin-off de l’UCL, elle est spécialisée dans l’analyse de données biologiques et la modélisation mathématique.
Depuis sa création en 2012, elle offre un service de conseil en exploration de données aux entreprises pharmaceutiques et biologiques. Mais elle a également élaboré, en collaboration avec des chercheurs de l’UCL et d’autres universités belges, un kit de diagnostic destiné aux patients souffrant d’arthrite indifférenciée. Il s’agit d’arthrites qui, après un premier bilan médical, restent « inclassables ».
Entre 5 et 10 millions d’économie par an
Suite à une recherche basée sur plusieurs cohortes totalisant près de 150 patients, le « RheumaKit » fournit 3 probabilités de diagnostic : la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite séronégative ou l’arthrose. Et ceci à un stade très précoce de la maladie, ce qui permet de gagner jusqu’à trois ans dans le diagnostic de la maladie par rapport aux systèmes actuellement disponibles. Tout bénéfice pour le patient, qui peut entamer un traitement approprié plus tôt et voir ralentir l’évolution de sa maladie, mais également pour la sécurité sociale.
« Il est crucial d’établir un diagnostic différencié le plus tôt possible, explique Thibault Helleputte, CEO de DNAlytics. En effet, la polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune alors que l’arthrose est due à une usure mécanique. Ces deux pathologies ne se soignent donc pas de la même manière. Or, quand le diagnostic n’est pas différencié, on a tendance à démarrer un traitement contre la polyarthrite rhumatoïde, au cas où. Lorsque le patient ne répond pas au traitement, on lui en prescrit un autre. Le coût de ces traitements varie entre 13.000 et 15.000 euros par an et par patient. Avec l’utilisation de notre kit, l’INAMI pourrait économiser entre 5 et 10 millions d’euros par an car on n’entamerait pas cette cascade de traitements ».
Étude clinique à grande échelle
Disponible depuis l’automne 2014, le RheumaKit se présente sous la forme d’une plateforme Web sécurisée qui permet aux cliniciens (rhumatologues et orthopédiques) de commander des kits de biopsie, d’encoder les données cliniques du patient, d’obtenir un diagnostic différentiel et de gérer de manière confidentielle les données du patient.
Le modèle mathématique développé par DNAlytics atteint un taux de diagnostics corrects de plus de 90%. Mais la société voudrait aller un pas plus loin en développant une prédiction de réponse aux traitements. « Nous sommes une toute petite entreprise mais nous voulons développer des solutions de médecine personnalisée depuis la R&D jusqu’au marché », poursuit Thibault Helleputte.
Un marché qu’il n’est cependant pas évident d’atteindre. « Il y a énormément de choses qui se font en Wallonie pour soutenir la recherche dans le domaine des sciences du vivant », constate-t-il. De gros montants y sont investis. Mais quand on aboutit à une solution qui fonctionne, il n’y a personne pour l’acheter. En Europe, personne ne paie les soins de santé de sa poche. Pour décider les États à acheter notre solution, nous devons la valider sur une population plus grande. Mais ça coûte très cher ».
La société a donc tenté sa chance auprès de l’Europe. Elle a soumis un projet dans le cadre de l’Instrument PME, destiné à aider les PME les plus innovantes (voir ci-dessous). Et malgré la compétition féroce, elle y a décroché un financement. « L’Instrument PME nous permettrait de réaliser une grande étude clinique sur 1.000 patients, poursuit Thibault Helleputte. Nous avons déjà l’accord de centres hospitaliers en Belgique et en France. Nous viserons ensuite la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas ».
Mais les bénéfices de ce projet ne s’arrêtent pas là : en utilisant le RheumaKit, les experts en rhumatologie sélectionnés pour effectuer l’étude clinique pourront s’approprier le produit et voir en quoi il pourrait être amélioré. « Ce projet doit être profitable à notre produit, conclut le CEO de DNAlytics. Nous visons deux choses : la validation de la solution de diagnostic existante mais on veut aussi aller plus loin en regardant quel est le meilleur traitement à prescrire au patient. Ce projet nous permettra également d’approfondir notre connaissance du marché. Il est donc très important pour nous ».
L’instrument PME de l’UE
Avec l’instrument PME, l’Union européenne veut financer les petites et moyennes entreprises les plus innovantes qui présentent un fort potentielde croissance. 3 milliards d’euros ont été débloqués pour aider les PME à faire passer leurs projets innovants du laboratoire au marché. Dans un premier temps, les PME sélectionnées recevront 50.000 euros pour financer la finalisation de l’étude de faisabilité de leur projet. Le projet pourra ensuiteprétendre à un soutien financier supplémentaire de la part de la Commission qui pourra atteindre jusqu’à 2.5 millions d’euros. La mise en place d’un accompagnement individualisé pour les phases 1 et 2 peut être envisagée.