Elle arpente avec une démarche rapide et déterminée les couloirs interminables du Monnet Innovation Center, (le parc scientifique de Louvain-la-Neuve) où sont situés les laboratoires de son entreprise Novobiom. Rien ne semble arrêter l’ascension vertigineuse de Caroline Zaoui, co-fondatrice et directrice scientifique de l’entreprise qui fait récemment beaucoup parler d’elle.
Et pour cause, les activités de cette PME wallonne employant actuellement 6 personnes sont en pleine expansion grâce à son approche technologique révolutionnaire, nommée « mycoremédiation », qui repose sur l’emploi de champignons à même de dégrader les polluants toxiques les plus récalcitrants.
Elle nous détaille en quoi consiste cette technologie : « On travaille avec les champignons. On les utilise pour développer des solutions bio inspirées de dépollution. Pourquoi bio inspirée ? Parce qu’en fait, on étudie, on essaye de comprendre la façon dont les champignons évoluent dans l’environnement pour en tirer des apprentissages, mettre en place des solutions qui permettent de dépolluer les sols, l’eau, et bientôt les déchets. »
Détentrice d’un PhD en « Infection biology » (ou Microbiologie et Infectiologie) à la faculté de médecine de Hanovre en Allemagne, le moins que l’on puisse dire, c’est que Caroline est passionnée par son métier. Avec Jean-Michel Scheuren, l’autre co-fondateur et CEO de Novobiom qu’elle a rencontré au début de sa carrière dans une boîte de conseil, ces deux convaincus du biomimétisme veulent encourager les organisations à recourir à des innovations inspirées du vivant pour atteindre les objectifs mondiaux de développement durable.
Et de nous rappeler à plusieurs reprises que l’approche « One Health » (ou « une seule santé » en français), reste la ligne de mire de l’entreprise et de son équipe de chercheurs.
Le concept One Health estime que les organismes vivants et les écosystèmes sont interconnectés et la santé des uns dépend de celle des autres. One Health tient compte de ces liens complexes dans une approche globale des enjeux sanitaires. Celle-ci inclut la santé des animaux, des végétaux et des êtres humains, ainsi que les perturbations de l’environnement générées par l’activité humaine.
Malgré son agenda de ministre, Caroline Zaoui nous a accordé quelques minutes pour évoquer son entreprise dont les ambitions européennes poursuivies par Novobiom qui participe à de nombreux consortia et -cerise sur le gâteau-, le prix Women TechEU, un prix décerné aux femmes actives dans les secteurs de la recherche et l’innovation, qui lui a été décerné début de l’année 2023.
Entretien avec une passionnée, incitatrice de vocations…
Pourquoi est-ce important pour Novobiom de participer à des projets européens ?
« Pour Novobiom, c’est une évidence d’essayer d’être actif au niveau européen par le biais de financements européens parce qu’on a déjà cette identité à la base : une dimension internationale. Moi je suis française. Les membres de l’équipe ne sont pas tous Belges, donc voilà, ça fait déjà partie de notre ADN et effectivement, le fait de pouvoir obtenir des financements européens, ça nous permet d’avoir une ouverture sur l’Europe et sur le monde. Et pour une entreprise innovante, c’est vraiment important de pouvoir créer des liens au niveau européen avec des centres de recherche, des universités, mais d’autres entreprises, d’autres PME ou des industriels plus gros, pour monter en compétences, connaître un petit peu mieux le secteur d’activité de chacun et renforcer un socle européen au niveau de l’innovation qui puisse être déployé tout en prenant en compte des spécificités régionales. Donc oui, je pense que pour une société innovante, le fait de remettre / de soumettre des dossiers pour des financements européens est une étape indispensable. »
Récemment, vous avez d’ailleurs remporté un prix plus particulier…
« Au début de cette année, j’ai eu la chance d’obtenir le prix Women TechEU. C’est un prix européen qui récompense les femmes, entrepreneures et scientifiques qui ont un rôle de fondatrice, co-fondatrice ou des rôles de management dans des sociétés dans la Deep tech. C’est la 2ème cohorte. Cette année, nous sommes 134 sociétés, 134 lauréates au niveau européen à être récompensées. C’est quelque chose de très positif pour moi personnellement. (…) parce que c’est vrai que c’est important de mettre en avant le rôle des femmes dans l’innovation. A titre personnel, je trouve que c’est aussi une façon de transmettre un parcours de vie. J’ai deux filles donc j’espère que je montre suffisamment l’exemple en disant qu’il faut oser, s’écouter et s’il y a un projet qui nous passionne, il ne faut pas hésiter à aller de l’avant et ce n’est pas toujours facile, mais c’est toujours gratifiant et en tout les cas épanouissant. »
Pourquoi décrocher ce prix était aussi important pour Novobiom?
« Parce que j’ai une formation de scientifique. Je suis microbiologiste de formation. J’ai un cursus académique et une expérience professionnelle très ciblée sur cette expertise. Et à partir du moment, où on commence à avoir un rôle de leader, de dirigeant ou, en tous les cas, un rôle plus prépondérant pour pousser les activités d’une société, on n’a pas seulement besoin de compétences techniques, mais on a également besoin de compétences managériales. C’est toute une série de compétences et de façons de réfléchir pour pouvoir être impliquée au plus fort dans la stratégie de l’entreprise. Ce sont des choses que j’apprends sur le terrain et le fait d’obtenir ce prix qui comporte un subside pour l’entreprise, mais qui propose aussi un accompagnement et du coaching pour les lauréates, c’était important pour moi d’en bénéficier. Si moi finalement, je monte en compétence dans d’autres domaines qui soient importants dans les activités d’une société, cela ne pourra que bénéficier à toute l’équipe… »
Quel a été le rôle du NCP Wallonie ?
« J’ai pris connaissance de l’existence de ce prix par le biais du NCP Wallonie. Ce qui a vraiment fait la différence, c’est d’avoir été accompagnée dans la relecture et dans la façon dont le projet a été construit pour améliorer certains points, rajouter les mots-clés importants qui sont recherchés par les examinateurs au niveau de la Commission. Le NCP Wallonie offre une aide importante parce que généralement, on est focalisé sur son projet et son contenu et c’est souvent du contenu technique. Bénéficier des conseils et d’une relecture du NCP Wallonie va nous permettre de voir si certaines parties sont suffisamment vulgarisées pour qu’elles soient compréhensibles et qu’en même temps les mots-clés recherchés soient bien présents et répétés. Le NCP Wallonie permet de faire la différence. »
